Mắm from hanoï
Enfant, mes parents m’obligeaient à finir mes asssiettes jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une miette. J’étais déjà têtue à l’époque, et je pouvais passer des heures à fixer le fond de mon bol de phở. C’est ainsi qu’un traumatisme est né: pendant des années, j’avais la nausée ne serait-ce qu’en sentant les effluves de cette soupe. Quand je suis devenue adulte, j’ai eu un petit-ami qui lui adorait cette soupe. Mais impossible pour moi de l’apprécier. Mắm from Hanoi est dans mon quartier. Je suis passée devant par hasard et j’ai été plutôt rassurée par la carte courte.
L’intérieur était sobre, dénué de détails kitsch dont les restos asiatiques sont trop souvent friands. Je suis donc entrée seule (ce qui m’arrive rarement) et j’ai commandé un phở. Et là, le miracle s’est produit: il m’a réconciliée avec cette soupe. A la surface, je pouvais distinguer des petites perles de gras qui me faisaient saliver. A la première gorgée, j’ai senti le goût prononcé du boeuf ayant longuement mijoté. Le bouillon était d’une profondeur incroyable. Sa densité laissait entendre que les os avaient rendu le meilleur d’eux-mêmes. La viande, tendre et fondante, vient des Boucheries Nivernaises, qui est le fournisseur officiel de l’Élysée. Et sa qualité s’en ressent. Les nems sont également les meilleurs que j’aie jamais mangé. Et pourtant, j’ai « roulé des kilomètres de nems » comme dirait Ezéchiel Zérah, et je roulais plus vite que mon ombre d’après mon oncle. Et je peux affirmer sans ciller que ces nems sont meilleurs que ceux de ma mère, mes tantes et grand-mère réunies! La farce est ultra généreuse et la taille permet de reconnaître chacun des éléments qui composent la farce: carottes, champignons, oignons, vermicelles de soja, chou-rave, chayotte… La galette de riz bánh tráng est extrêmement fine et croustillante. La perfection.
Ce petit restaurant a été fondé par un couple de jeunes parents: Tuan Anh et Ngân. Ils avaient à coeur de partager les recettes de leurs grands-mères. Pari réussi.
NB: je tiens à préciser que Ngân la cuisinière est originaire de Hanoi. Il s’agit donc d’un phở du Nord qui est plus délicat et plus subtil que son cousin du Sud. Il n’y a pas de boulettes (de toute façon, je les trouve dégueu), et pas d’herbes aromatiques comme le basilic thaï húng quế et le ngò gai, uniquement de la coriandre rau mùi et de la ciboule hành lá